Le rugby a évolué dans son fond et dans sa forme. Malgré les multiples systèmes offensifs et défensifs millimétrés mis en place, le rôle du buteur reste souvent déterminant dans la quête du résultat positif.

« Le rugby se joue avec les mains, mais il se gagne souvent avec les pieds ».

La régularité est la donnée essentielle permettant de caractériser le très bon buteur. Elle allie les composantes physiques, techniques, psychiques nécessaires dans le geste et l’art du buteur. Un buteur devra suivre un entraînement particulier, lui permettant d’améliorer la technique de ses gestes, de ses positions, la façon de prendre son élan et ses appuis. Toutes ces choses resteront perfectibles jusqu’à la fin de sa carrière.

Ces choses lui sont propres, c’est à lui de les comprendre, de les analyser, de les maîtriser dans le souci de l’excellence. Il ne servira à rien de taper 50 ou 100 fois dans un ballon si la technicité du geste est mauvaise. Un buteur doit être en mesure de dominer son sujet, d’échapper aux tensions et à dépasser ce genre de considération. Il doit être capable après une tentative ratée de déterminer les raisons de cet échec et d’y remédier la fois d’après.

ANALYSE DU MOUVEMENT

On peut comparer le mouvement du membre de frappe à celui d’un pendule oscillant dont le point d’application se trouve être la hanche. L’articulation de la hanche dans ce mouvement d’arrière vers l’avant se comporte comme un  levier. Lors de la frappe de balle, le botteur doit posséder un bras de levier aussi grand que possible, pour avoir un maximum de puissance et pour accompagner le plus longtemps possible le ballon dans sa trajectoire. On peut décomposer  le mouvement en 3 phases :

1-Phase d’armée (de préparation)

De cette phase va dépendre la puissance de frappe. Elle sera d’autant plus efficace que les muscles fléchisseurs de hanche seront étirés le plus possible. On peut comparer le muscle à un ressort que l’on étire et relâche : il y a restitution d‘énergie. Le temps d’exécution est important, il ne faut pas d’arrêt pendant la phase d’armé, sinon l’énergie emmagasinée est perdue.

Le pied d’appui doit  être à plat. Ce placement permet la frappe instantanée, il est déterminant dans la continuité du geste et sa bonne réalisation dans un équilibre parfait (centre de gravité) :

  • Pointe de pied dirigée de façon parallèle à l’axe de tir, le bassin s’ouvre pour finir perpendiculaire à la direction du tir en  phase de frappe.
  • Écart entre le pied d’appui et le ballon, égal à la largeur du bassin de façon à ce que le pied de frappe soit situé dans l’axe du mouvement pendulaire oscillant du membre de frappe.

2-Phase de frappe (impact pied/ballon)

C’est la phase d’impact du pied sur le ballon. Le passage d’une légère flexion à l’extension complète de membre d’appui va propulser le corps vers l’avant et augmenter ainsi la puissance d’impact du membre oscillant ; bassin perpendiculaire à la direction de tir.
Le pied d’appui se trouve alors sur la pointe. Le centre de gravité se déplace vers l’avant et assure la continuité vers la phase ascendante dite de finition.

 

3-Phase ascendante – Finition

Cette phase représente la finition du geste, elle est la résultante des deux précédentes. Elle peut être considérée comme « DIAGNOSTIC ». Si la phase 3 est mauvaise, c’est que les précédentes présentent des lacunes (appuis, équilibre, placement du bassin).

Le membre d’appuis est stable. Le pied par le décollement du talon va propulser l’ensemble du corps vers le haut et en avant pour permettre au centre de gravité de continuer sa trajectoire ; le bassin se referme.

La reprise des appuis se fait au-delà du point d’impact. Action de traverser la balle (gestuelle du golf et du tennis).

Le membre oscillant (jambe de frappe) accompagne le plus longtemps possible le ballon après la frappe.

Les phases 1, 2, et 3 doivent s’enchaîner rapidement. Les 3 phases décrites associent des qualités techniques et physiques. Les qualités physiques aussi importantes que la technique font appel à la coordination, la souplesse, la force, la vitesse, la résistance et l’endurance.

PLACEMENT DU BALLON

Durant de nombreuses années les buteurs se sont évertués à faire leur trou ou un monticule de terre avec le talon ou la pointe du pied. Puis on vit le tas de sable apparaître et puis récemment encore, le tee, petites soucoupe en plastique de différentes formes, qui permettent de positionner très vite le ballon, de le surélever par rapport au sol permettant ainsi une frappe plus aisée.
Le ballon doit y être posé de façon droite ou mieux, légèrement incliné vers l’avant, permettant à ce dernier, de s’offrir à une force d’impact  propulsive plus importante.
Le ballon posé en bascule arrière, a pour effet de diminuer la puissance de frappe et d’augmenter les trajectoires hautes.

COURSE D’ÉLAN

Elle diffère selon les buteurs ; nombre de pas arrière et latéraux définissant l’angulation de la position de départ par rapport au ballon.
La visée reste la même. Prenons pour exemple, un droitier. Son repère de visée sera le poteau droit. Il modifiera uniquement son écart latéral de l’endroit ou il se trouve sur le terrain pour influer sur des trajectoires de balle en « Huck » (frappe tournant à gauche) ou en « Slice » ( frappe tournant à droite).
Un Huck trop prononcé est du à un mauvais placement du pied d’appui trop ouvert sur le gauche. Cela crée une fermeture ou rotation du bassin trop importante en phase 2 et 3.
Par contre, un Slice prononcé est dû à un pied d’appui trop en arrière de l’axe du ballon. Le bassin va alors resté trop ouvert à l’impact.

L’IMPACT

Au début du rugby, la frappe de la pointe fut souvent utilisée. Puis l’on vit la frappe type footballeur (coup de pied – intérieur du pied). Pierre VILLEPREUX en fut le principal instigateur.
Toutefois, aucune règle est imposée. Le buteur adapte son style de frappe suivant ses capacités et sa maîtrise. Même si la visée reste sensiblement la même, le buteur doit adapter la direction de tir à sa forme de trajectoire à effet.
Le Huck reste l’effet principal à maîtriser chez le buteur de type football. Les deux derniers appuis précédents la frappe sont le diagnostic de réussite de cette dernière.

LE SENSITIF

Chaque buteur doit s’épanouir de lui-même et non pas par mimétisme. Combien de jeunes buteurs veulent s’identifier à nos stars buteurs. Si cela est bien dans l’esprit, cela ne l’est pas dans la forme.
Il est important que le jeune buteur trouve ses marques vers l’excellence en fonction de ses propres capacités (physiques, techniques), de sa morphologie, de son mental.

L’Entraînement sensitif est pour moi une démarche primordiale dans la formation du buteur. Elle permet également le remodelage d’un buteur en échec par un retour aux sources rapide. On effectuera alors un travail occultant temporairement toute prise de marque pour s’appuyer uniquement sur l’acuité  visuelle et le touché de balle à la frappe.

Le buteur doit être l’image de sa propre représentation, il doit détenir sa propre vérité. Sa technique et ses aptitudes physiques et mentales doivent lui permettre de dominer son sujet et d’échapper aux tensions et aux pressions auxquelles il est soumis. La  régularité est le maître mot qui caractérise le très bon buteur. Cela passe par un entraînement personnalisé sans règles de travail stéréotypé mais adapté à la personnalité de l’individu. Il n’est pas injuste que certains pensent que buter est un métier ou la patience, l’analytique et la correction peuvent tendre à la perfection. Pour ce faire, il faudra buter et encore buter mais surtout être passionné par ce rôle de buteur et prendre un réel plaisir dans l’accomplissement de ce geste spécifique devenu nous l’avons déjà souligné, déterminant dans le rugby d’aujourd’hui.