Serge LAÏRLE, dans ce tournoi des 6 nations quels sont les moments qui vous ont marqué ?

Ce tournoi fut intéressant de par sa conclusion avec la victoire de l’Irlande. Les Irlandais ont pu s’appuyer sur des joueurs d’expérience, ils ont surtout pratiqué un rugby de mouvement en consommant peu de joueurs dans les regroupements. Les Anglais, plus jeunes, on fait preuve de plus d’enthousiasme mais ils manquent encore de maîtrise, ils seront prêts en 2015. Les Gallois ont été trop irréguliers pour gagner ce tournoi, toutefois ils sont suffisamment solides sur les fondamentaux pour battre n’importe qui. Concernant les Ecossais, ils ont tenté et ils méritaient certainement mieux après leur succès en Italie, leur prestation face aux français n’a tenu qu’à un fil… Pour les Italiens, la hiérarchie a été respectée, pas de victoire  mais beaucoup de cœur. Certes ils ont été trop d’indisciplinés, ils ont manqué de réalisme dans leurs temps forts mais ils ont du potentiel.

Quel bilan faites-vous du XV de France ?

Au niveau comptable, le bilan est positif : 3 victoires pour 2 défaites. Le calendrier était favorable avec trois réceptions pour deux déplacements. Le contenu est très décevant, nous avons trop vite tendance à l’oublier. On ne peut pas critiquer avec autant de véhémence une petite victoire en Ecosse et se réjouir d’une petite défaite face à l’Irlande. Notre jugement doit être plus objectif.

Vous qui êtes un technicien du rugby, quels sont les points les plus négatifs ?

Sans aucun doute c’est  le jeu offensif, le chantier est énorme. Mais aussi la conquête, trop irrégulière, elle a montré de grandes difficultés à s’adapter et à trouver des solutions au cours des matchs. Quant au jeu au pied, il manque de longueur et d’efficacité.

Du jour au lendemain, la mêlée ne peut pas devenir un point faible par le seul changement des règles ou des interprétations de celles-ci. La mêlée est un combat collectif, les avants du XV de France n’y sont pas préparés, tant au niveau international qu’au niveau des clubs. L’analyse des comportements est à revoir. Dans l’exemple de Thomas DOMINGO, ce joueur a certainement le plus gros potentiel pour dominer son adversaire mais tout est à revoir, de la posture au placement du bassin et aux déplacements des appuis.

Comment expliquer cette défaillance en touche contre l’Ecosse ?

L’équipe aux Chardons a des sauteurs que l’on connait bien puisqu’ils évoluent en France, dans notre TOP 14. Lors de ce match, ils ont contesté en touche avec 2 blocs de saut alors que nous disposions de 5 sauteurs potentiels. Nous n’avons pas suffisamment d’alternance dans le temps et dans l’espace avec des touches en mouvement (1, 2 ou 3 temps) ou bien des prises en intention dans les zones libres.

Qu’est ce qui nous manque en attaque pour marquer ?

Pour attaquer, il faut des ballons, nous avons vu que ce ne fut pas notre point fort. Notre jeu offensif manque de vitesse, de précision et d’alternance. Les systèmes préétablis à 4 ou 5 temps de jeu sont des outils mais ils ne peuvent en aucun cas être une exclusivité qui ne permet pas aux joueurs de s’adapter à la situation. Nous produisons essentiellement un jeu devant la défense, un jeu de défit physique et de conservation. L

e résultat est trop dépendant d’exploits individuels, sur un rebond ou une lutte aérienne.

Malgré tout, y-a-t-il eu quelques points positifs ?

Bien sur, comme dans toutes les oppositions, on observe des secteurs où nous sommes plus performants. Le potentiel physique et mental est évident, les joueurs français l’ont prouvé, offensivement, en fin de match contre les Anglais et dans la confrontation avec les Irlandais où ils n’ont rien lâché défensivement. Nous avons des qualités qui ne s’expriment pas pleinement en ce moment. Selon le staff, le groupe vit bien ensemble, c’est une excellente nouvelle, c’est donc en interne que doit se faire l’expertise.

Quelles sont les solutions ?

itw.sl rugby

En priorité, il faut retrouver de la solidité dans les fondamentaux :  la conquête car il faut des ballons pour produire du jeu et le jeu au pied qui doit être plus productif.
Il faut travailler davantage sur l’analyse du jeu de l’adversaire pour pratiquer un jeu plus adaptatif qui permet l’expression des qualités de nos joueurs : vitesse en jouant debout et prise d’initiative en contre attaque.
Il faut peut être revoir les contenus de nos entraînements,  tout ne se règle pas devant une vidéo. On doit passer par des situations problèmes sur le terrain et pas seulement face à des boucliers. De mon point de vue, le meilleur des entraînements c’est le match ! Il faut donc augmenter les compétitions en Fédérale 1 et Fédérale 2, car18 matchs par saison, ce n’est pas assez. Il faut que l’on puisse pratiquer le rugby à la belle saison pour que les qualités de nos joueurs s’expriment. (je pense que s’est hors sujet par rapport au bilan tournois 6 nations…)

Est-ce que ces difficultés  sont propres au XV de France ? N’y a-t-il pas de parallèle à faire avec notre Championnat de TOP 14?

Le rugby hexagonal a hérité de beaucoup de joueurs de l’hémisphère sud, nous avons voulu copier leur système jusque dans la formation de nos entraîneurs. Certes le rugby pratiqué est plus puissant, parfois plus féroce jusqu’à imposer de nouvelles règles (commotions cérébrales), mais il est moins technique et souvent manque de réalisme. Les pertes de balle et les mauvaises gestions des surnombres en témoignent.
Nous avons des résultats chez les jeunes (-20), nous devons garder notre identité en augmentant le nombre JIFF dans les matchs de Top 14 et PRO D2
Il faut revoir les compétitions au niveau national pour permettre à des catégories d’âge de pratiquer au haut niveau dans des structures adaptées. On doit modifier les règles des licences blanches pour que ce ne soit plus une punition mais un bonus pour le club qui revalorise la formation.